Quelles villes canadiennes sont les plus vulnérables aux tarifs douaniers imposés par Trump?

Le Laboratoire de données sur les entreprises de la Chambre de commerce du Canada compile les données pour évaluer les impacts potentiels des tarifs douaniers à l’aide de nouvelles données commerciales localisées.

 
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Stephen Tapp

Cliquez sur l’outil interactif ci-dessous pour trouver rapidement des statistiques pertinentes sur l’une des 41 plus grandes villes du Canada.

Même avec une pause de 30 jours, le décret du président Trump imposant des tarifs douaniers sur les exportations canadiennes à destination des États-Unis marque un virage protectionniste majeur dans la politique commerciale des États-Unis. Un tarif de 25 % sur l’ensemble des exportations canadiennes autres que celles liées à l’énergie, et un tarif de 10 % sur les exportations d’énergie canadiennes vers les États-Unis (parallèlement aux tarifs douaniers imposés au Mexique et à la Chine) auront des conséquences économiques considérables pour tous les pays concernés. Cette analyse se penche sur les villes canadiennes susceptibles de subir les répercussions les plus importantes.

Le commerce entre le Canada et les É.-U : un partenariat économique profondément intégré

Au cours du siècle dernier, le Canada et les États-Unis ont mis en place une relation économique très intégrée. Le commerce transfrontalier revêt une importance cruciale pour les deux économies, comme l’ont démontré des études antérieures du Laboratoire de données sur les entreprises. Selon notre modélisation, les droits de douane imposés par Trump entraîneraient des répercussions négatives importantes pour les Canadiens et les Américains, et pourraient même déclencher une récession.

Nous avons ensuite analysé l’impact potentiel des tarifs douaniers sur les provinces canadiennes. Ce travail a mis en évidence des vulnérabilités particulières pour l’Alberta, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick en raison de leur économie fortement dépendante du commerce. Ces trois provinces expédient la majeure partie de leurs marchandises vers le marché américain.

Cette analyse approfondie évalue l’éventuel impact des droits de douane sur les villes canadiennes en s’appuyant sur de récentes données commerciales régionales de Statistique Canada pour les 41 régions métropolitaines de recensement (RMR) comptant plus de 100 000 habitants.

Identifier les villes les plus exposées aux tarifs douaniers au Canada

À l’aide de ces données granulaires personnalisées, nous avons élaboré un indice d’exposition aux tarifs américains. Il reflète l’intensité des exportations américaines de l’économie d’une ville et sa dépendance envers les États-Unis comme principale destination d’exportation.

Le tableau ci-dessous résume les principaux résultats sous forme graphique :

Vulnérabilité des villes canadiennes aux tarifs douaniers américains 

KCW=Kitchener-Cambridge-Waterloo
Source : Calculs du LDE de la Chambre de commerce du Canada à partir des données de Statistique Canada sur le commerce selon les caractéristiques des exportateurs.

Plus une ville se situe haut dans le graphique, plus elle dépend de l’exportation (c’est-à-dire qu’elle exporte une proportion plus élevée de ses biens vers les États-Unis, selon l’axe vertical). En revanche, les villes situées plus à droite dépendent davantage des États-Unis comme principal marché d’exportation (c’est-à-dire qu’une part plus importante de leurs exportations globales de biens est destinée aux États-Unis, selon l’axe horizontal). Ainsi, les villes situées plus au « nord-est » sur ce nuage de points (comme Saint John, Calgary et Windsor) sont susceptibles d’être plus durement touchées par les tarifs douaniers américains.

Le tableau ci-dessous présente notre classement de l’exposition aux tarifs américains pour 41 villes canadiennes. Le processus est on ne peut plus simple : il suffit d’additionner le taux excessif des échanges commerciaux avec les États-Unis et la dépendance excessive aux exportations américaines d’une ville, tous deux exprimés en pourcentage par rapport à la moyenne nationale.  Voici une courte analyse de quelques-uns des marchés clés à surveiller.

Classement des villes canadiennes en fonction de leur vulnérabilité aux tarifs douaniers américains

* KCW = Kitchener-Cambridge-Waterloo
Source : Calculs du LDE à partir des données commerciales sur mesure de Statistique Canada selon les caractéristiques des exportateurs. Basé sur l’intensité des exportations de biens vers les États-Unis (par rapport au PIB local) et la dépendance à l’égard du marché américain (par rapport au total des exportations).

Principales conclusions : Les villes canadiennes les plus vulnérables

Notre analyse met en évidence que la plus forte baisse concerne la valeur des exportations énergétiques du Canada, ce qui explique la grande vulnérabilité de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et de Calgary, en Alberta. Le poids massif des exportations de pétrole brut et la probabilité de répercuter la hausse des prix de l’essence sur les Américains expliquent également pourquoi Trump a appliqué des droits de douane moins élevés sur les exportations énergétiques du Canada (10 % contre 25 % pour toutes les autres catégories d’exportations).

Saint John, Nouveau-Brunswick (1re place)

C’est là que se trouve la raffinerie de pétrole Irving, la plus grande raffinerie de pétrole brut du Canada. Elle peut traiter plus de 320 000 barils de brut par jour, dont plus de 80 % sont exportés au sud de la frontière. La Carte du commerce Canada-États-Unis du LDE montre que les produits de la mer et de la sylviculture sont les autres principales exportations du Nouveau-Brunswick vers les États-Unis, dont une grande partie est destinée au Maine.

Calgary, Alberta (2e place)

Bien évidemment, Calgary est une plaque tournante majeure qui exporte du pétrole brut et du gaz naturel vers le Midwest américain, en particulier l’Illinois. La viande de bœuf y est également un produit d’exportation important.

Sud-ouest de l’Ontario (de la 3e à la 6e place)

Notre modélisation estime également que la fabrication d’automobiles et de pièces détachées serait le deuxième secteur le plus touché par les droits de douane américains. Il n’est donc pas surprenant de voir plusieurs villes du sud-ouest de l’Ontario occuper les rangs 3 à 6 de la liste.

Tout le monde sait que l’économie de Windsor dépend fortement de la production automobile, puisqu’elle possède d’importantes usines d’assemblage pour Ford et Stellantis. Cela implique de nombreux échanges bilatéraux avec le Michigan, qui se trouve juste de l’autre côté du pont Ambassador.

Kitchener-Cambridge-Waterloo, Brantford et Guelph sont situés plus à l’est sur l’autoroute 401 et sont spécialisés dans la production de pièces automobiles, d’autres industries de pointe, de machines et d’équipements, ainsi que dans les exportations agricoles. Guelph abrite par exemple le siège de Linamar (deuxième fabricant de pièces automobiles au Canada) ainsi que celui des Brasseries Sleeman.

Soit dit en passant, je pensais qu’Oshawa, autre grand constructeur automobile et siège de General Motors, serait bien plus haut sur la liste, mais les données sur le PIB local qui entrent dans le classement ne sont disponibles que jusqu’en 2021. À cette époque, la pandémie a probablement réduit les exportations d’automobiles en raison des fermetures d’usines, du réoutillage ou des retards de production dus à la pénurie mondiale de semi-conducteurs.

Hamilton, Ontario (8e place)

« Hammer » est surnommée « la capitale canadienne de l’acier », avec des installations pour les plus grands producteurs mondiaux, ArcelorMittal Dofasco et Stelco. Cet acier est exporté comme matière première et utilisé dans la production automobile, la construction et d’autres secteurs manufacturiers.

Villes québécoises à forte intensité commerciale (7e, 9e et 12e places)

Le Québec compte le groupe suivant de villes présentant un risque tarifaire plus élevé. La région du Saguenay-Lac-Saint-Jean occupe la 7e place sur la liste. Elle est responsable d’environ un tiers de la production canadienne d’aluminium, dont 85 % sont exportés vers les États-Unis, en grande partie pour desservir le secteur automobile et les installations de production connexes.

Trois-Rivières, en 9e position, est une autre ville portuaire du Québec qui traite de l’aluminium et des produits forestiers et agroalimentaires. Elle est stratégiquement située le long du fleuve Saint-Laurent, entre Montréal et Québec.

Drummondville, qui figure au 12e rang, est un acteur important dans le domaine des produits de bois et du mobilier résidentiel.

Les villes moins exposées

En fin de liste, on trouve des villes qui sont moins à risque de subir les contrecoups des tarifs douaniers américains parce qu’elles commercent moins intensément ou parce qu’elles ont des structures économiques plus diversifiées. Plusieurs de ces villes sont situées sur les côtes canadiennes et exportent davantage vers l’Asie ou l’Europe. En Colombie-Britannique, on trouve Victoria, Nanaimo et Kamloops. Sur la côte est, on retrouve Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il semble que les exportations de nickel et de cuivre de Sudbury aboutissent sur d’autres marchés internationaux que les États-Unis.

La carte schématisée ci-dessous met en évidence certains des principaux « points névralgiques des tarifs douaniers » au Canada, qui comprennent à nouveau nos deux principaux centres d’exportation d’énergie, le Nouveau-Brunswick et l’Alberta, les centres manufacturiers du sud-ouest de l’Ontario et les secteurs de l’aluminium et de la sylviculture au Québec.

Points chauds canadiens les plus vulnérables aux tarifs américains

Source : Calculs du LDE à partir des données commerciales sur mesure de Statistique Canada selon les caractéristiques des exportateurs.
Basé sur l’intensité des exportations de biens vers les États-Unis (par rapport au PIB local) et la dépendance à l’égard du marché américain (par rapport au total des exportations).

Cliquez sur l’outil interactif ci-dessous pour trouver rapidement des statistiques pertinentes sur l’une des 41 plus grandes villes du Canada. Nous avons rassemblé des données sur les exportations de biens vers les États-Unis (en valeur, par habitant, en part du PIB et en part des exportations totales), le nombre d’exportateurs vers les États-Unis, ainsi que les dernières statistiques sur le PIB et la population.

Mises en garde

Ces classements mettent en évidence l’exposition relative du Canada à une guerre commerciale qui sera néfaste pour tout le monde. La situation est complexe et fluide et l’impact final de ces droits de douane sur les économies locales du Canada est très incertain. Les conséquences économiques dépendront fortement de la durée de ces tarifs douaniers.

Nous nous attendons à une plus grande volatilité et à une dépréciation du dollar canadien à court terme, qui peut jouer, dans une certaine mesure, le rôle d’amortisseur.

La capacité des exportateurs canadiens à se tourner vers d’autres marchés varie et est généralement plus facile pour les produits de base en vrac que pour les machines, les équipements et les pièces détachées spécialisés.

Enfin, la réponse globale et multidimensionnelle du Canada sera politique, commerciale, monétaire et fiscale. Elle comprendra la conception et l’utilisation de tarifs de rétorsion, la fixation des taux d’intérêt et le contrôle de l’inflation, ainsi que la conception de programmes de soutien pour des zones géographiques et des industries spécifiques.

Éclairer les décisions politiques et commerciales

Cette analyse apporte de nouveaux arguments aux dirigeants politiques, aux entreprises et au public pour participer au débat en cours sur la manière dont le Canada peut au mieux faire face au défi colossal posé par ces tarifs douaniers américains inutiles et injustifiés. Un suivi continu et des réponses politiques stratégiques sont nécessaires pour aider à atténuer les risques, concevoir des mesures de soutien pour les industries et les régions touchées, et faciliter l’ajustement des ressources face au choc économique majeur que le Canada devra affronter.

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